


Propre, responsable et abordable, le biocarburant E85 séduit de plus en plus d’automobilistes. Pour répondre à l’essor des volumes consommés, les acteurs de la logistique vont devoir s’adapter. Total Marketing France mise, notamment, sur une révision de certains principes de pilotage de l’activité en dépôt. Eclairage.
Le Superéthanol E85 ne représente encore que 3% du marché des essences en France. Cela ne l’empêche pas d’afficher une croissance record. En 2019, les volumes écoulés ont progressé de
+85%. Rien d’étonnant quand on considère les atouts de ce carburant. En plus d’un prix attractif dû à une fiscalité avantageuse, il présente une plus-value écologique réelle. L’E85 incorpore en effet 65% à 85% de bioéthanol – un alcool fabriqué à partir de betterave, de blé ou de maïs –, ce qui contribue à réduire de plus de 40% les émissions de CO2 par rapport à une essence sans plomb standard. Autre avantage, et non des moindres, 80% des véhicules roulant à l’essence en France sont compatibles avec un boîtier de conversion E85 homologué.
Face à la demande croissante, Total Marketing France a accéléré le déploiement du Superéthanol E85 dans ses stations-service. La capacité de distribution a presque doublé sur l’année 2019 (de 270 à plus de 500 stations). Au 1er juillet 2020, 534 stations TOTAL délivraient de l’E85. Fin 2020, ce sont 750 stations qui distribueront ce produit.
Cette montée en puissance pose une question : la chaîne logistique est-elle configurée pour rendre disponibles les volumes d’éthanol attendus par le secteur pétrolier ? « Auparavant, l’éthanol était traité comme un petit produit, un peu à la marge, souligne Camille CHEVALLOT, pilote logistique à la direction Supply et Logistique France (SLF). Il est en train de devenir stratégique et il le sera de plus en plus car la part des véhicules diesel va diminuer au profit des véhicules à essence. »
Traduction : la hausse durable des besoins en bioéthanol appelle, dès maintenant, une réponse déterminée de la part des acteurs de la logistique.

Augmenter les capacités de stockage d’éthanol
Pour SLF, les leviers d’action mobilisables varient selon les horizons de temps. Sur les dépôts opérés par TMF – au nombre de 7 sur un total de 31 points de ressources proposant de l’E85 –, il est parfois nécessaire de réguler les sorties de biocarburant afin de prévenir les pénuries d’éthanol.
« Concrètement, nous mettons en place une politique de quotas lorsqu’une tension apparaît sur les stocks et/ou les approvisionnements, explique Camille CHEVALLOT. Les volumes attribués aux pétroliers sont indexés sur les approvisionnements que chacun a réalisés sur le site et les niveaux d’activité E5/E10. En cas de déséquilibre entre les entrées et les sorties, un acteur peut être temporairement privé d’accès à l’E85 : l’objectif est de ne jamais tomber en rupture de stock d’éthanol »
A moyen terme, l’augmentation des capacités de stockage d’éthanol fera figure d’incontournable. Un délicat arbitrage doit être effectué entre différentes possibilités : réaffectation en éthanol d’un bac contenant du produit « classique » (en contrepartie d’une baisse de capacité de ce produit « classique »), la construction de cuves additionnelles. En règle générale, l’éthanol repose dans des cuves de 120 m3 environ.
« Une autre évolution imaginée dans les dépôts est de dédier davantage de bras de chargement à l’E85, avec à la clé la possibilité de fluidifier les chargements en dépôt et de booster les quantités transportées dans les camions qui font la tournée des stations-service. »
Des transports massifs pour approvisionner les dépôts ?
SLF envisage, par ailleurs, de revoir les modalités d’approvisionnement des dépôts. Aux camions pourraient un jour se substituer des navires ou des trains, dont les capacités d’emport sont bien supérieures. Et les pipelines ? Ils alimentent plus de la moitié des dépôts mais la réglementation et les conditions de transport ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’y faire circuler des produits éthanolés…
La dimension réglementaire est également au cœur des réflexions sur le long terme. « Si nous avions le droit de charger de l’éthanol sur un dépôt pour le transporter sur un autre, ce serait une souplesse très appréciable, indique Camille CHEVALLOT. Nous avons ouvert sur ce sujet des discussions avec les douanes, qui contrôlent le paiement des taxes sur les produits pétroliers. » Une chose est sûre : SLF a pris à-bras-le-corps les enjeux liés au développement des biocarburants !
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